Histoire Des Libertines (35) : Catherine Ii De Russie Ou LAppétit Sexuel Au Pouvoir
Catherine II (1729-1796), née Sophie Frédérique Augusta d'Anhalt-Zerbst, sera impératrice de Russie de 1762 à sa mort et sera connue dans lhistoire comme la « Grande Catherine ».
Comme cest la règle dans cette série de récits, je mintéresserai principalement, non à son uvre politique, mais à sa vie sentimentale, qui fit delle « limpératrice aux mille amants. »
Dans le chapitre quelle lui consacre dans son ouvrage « Les salopes de lhistoire » (Acropole, 2016), Agnès Grossmann décrit ainsi la « Grande Catherine » : « Grande et élancée, elle a des cheveux noirs qui tranchent avec son teint éclatant, de grands yeux bleus, un nez aquilin, une bouche sensuelle. »
Un de ses amants, Stanislas Poniatowski dira de Catherine quelle avait « une bouche qui appelait le baiser ». Les convenances de lépoque font que le futur roi de Pologne na sans doute pas osé dire que cette bouche appelait certainement autre chose, une pratique que, pour ma part, jaffectionne beaucoup !
UNE PETITE PRINCESSE ALLEMANDE
Sophie est laînée des s de Christian-Auguste d'Anhalt-Zerbst et de son épouse Jeanne-Élisabeth de Holstein-Gottorp. De son éducation protestante, austère, rigide, entourée de peu daffection, une femme demeure en la personne d'une huguenote française, Babette Cardel, qui dirige son éducation et lui enseigne avec la langue française, manières et grâces de la société dont elle est issue. Elle lui donne en même temps le goût de la littérature française de son époque. Très vite, la princesse se tourne vers des activités spirituelles, ainsi que vers la lecture et les études.
La mère de Sophie, suivant les affaires de Russie, voit le futur Pierre III, très germanophile, bien placé pour à succéder à sa tante, limpératrice Élisabeth Petrovna. Elle va intriguer pour obtenir le mariage de Sophie avec lhéritier du trône. Prenant soin denvoyer des portraits de sa fille à la cour, les manuvres de Jeanne-Elisabeth portent leurs fruits et, en janvier 1744, elle et sa fille sont conviées en Russie.
Lascension de Sophie vers le statut de grande-duchesse se fait presque sans heurt, avec une conversion en grande pompe à la religion orthodoxe le 28 juin 1744. Elle sexprime clairement en russe devant un peuple qui ladopte bientôt. À cette date, elle prend officiellement le nom de « Catherine Alexeïvna ». Elle se fiance à Pierre le lendemain, devenant « grande-duchesse et altesse impériale »
UN MARIAGE MALHEUREUX AVEC LHERITIER DU TRONE
En 1745, Catherine épouse Pierre. Son fiancé, longtemps éloigné delle par une pleurésie, est dune laideur effrayante, mais cela nébranle pas sa volonté de lépouser.
Elle découvre très vite la vraie nature de son futur mari : le physique de Pierre est aussi déplaisant que son caractère. Brisé par une terrible éducation, le visage marqué par la petite vérole, Pierre se révèle cruel et infantile, toujours entouré dune meute de chiens et de soldats de plomb avec lesquels il peut jouer pendant des heures.
Questionnée sur sa nuit de noces, Catherine ne trouve rien à dire. Diverses hypothèses présentent Pierre III comme sexuellement immature, innocent, ou encore impuissant, à linverse de Catherine autour de laquelle flottent des rumeurs sur sa sexualité précoce. Comme plus tard Louis XVI, Pierre souffrait dun phimosis, quil mettra des années à soigner.
FECONDEE PAR UN AMANT ?
Catherine n'avait toujours pas d's après huit ans de mariage.
Cest limpératrice Elisabeth qui va régler le problème. Elle na pas de scrupules et sera le modèle de Catherine. Elisabeth « aime les hommes et enchaine les amants. Sa libido na dégale que sa ferveur religieuse.» (Agnès Grossmann)
Limpératrice Élisabeth Ière, qui voulait absolument un héritier pour la dynastie, lui proposa donc de prendre comme amant le prince Lev Alexandrovitch Narychkine ou le comte Sergei Saltykov.
Catherine choisit finalement Saltykov. Son fils, le futur Paul Ier, né en 1754 pouvait aussi bien être de son mari que son amant, Pierre ayant enfin réglé son problème de phimosis.
Pour sauver les apparences, la tsarine Elisabeth obligera son neveu à « consommer » enfin son mariage et Catherine, tout en encourageant Catherine à coucher avec le beau Sergei. Cest une découverte pour Catherine, qui passe de temps en temps une nuit avec le Grand-Duc, devenu plus performant depuis son opération. Lessentiel est assuré, la dynastie a enfin un héritier !
COUP DETAT
En six mois de règne, Pierre II, qui succède à la tsarine Elisabeth le 5 janvier 1762, va rapidement faire lunanimité contre lui, en particulier du fait de son alignement sur la Prusse de son modèle, Frédéric II.
Ses relations avec son épouse sont exécrables : elle est en résidence surveillée au palais de Peterhof et son mari menaçait de l'enfermer et de mettre sa maîtresse sur le trône à ses côtés. Non seulement, Catherine risque dêtre répudiée, mais cest sa vie qui est menacée.
Catherine, qui, elle, possède l'affection du peuple russe, réussit à faire détrôner son époux avec la complicité de son amant Grigori Orlov et de ses frères. Ambitieux et sans scrupule, ils comprennent lusage quils peuvent faire de la soif insatiable de délices et de volupté qui taraude la tsarine.
Les frères Orlov soudoient une centaine de soldats des régiments Préobrajenski et Ismaïlovski, qui servent d'escorte à Catherine dans sa marche sur Saint-Pétersbourg. Après quelques hésitations, les autres régiments se joignent à eux. À son arrivée dans la capitale, Catherine est accueillie triomphalement et reconnue par le clergé et le Sénat.
Lorsqu'il apprend le coup d'État, Pierre III s'effondre. Lâché par l'armée et la flotte de Kronstadt, il est arrêté et assigné à résidence à Ropcha, où on l'oblige à signer son acte d'abdication. Le 17 juillet 1762, il est assassiné, dans des circonstances troubles, par Alexeï Orlov et ses gardiens. Catherine a-t-elle eu connaissance des projets dAlexeï Orlov ? Elle a au moins laissé faire et na pas sanctionné les meurtriers, bien au contraire.
LIMPERATRICE AUX 1000 AMANTS
Une fois initiée par Saltykov, Catherine réclame toujours plus de volupté. Plus elle avancera en âge, plus ses amants seront jeunes.
Catherine était connue pour son appétit sexuel considérable et ses nombreux amants. Elle na pas attendu de monter sur le trône pour collectionner les amants. Nous avons vu le rôle supposé de Saltykov dans la conception du futur Paul Ier. Un autre de ses amants fut, en 1755, Stanislas-Auguste Poniatowski, alors ambassadeur de Saxe, qui fut par la suite roi de Pologne.
Le premier amant du règne personnel de Catherine fut donc Grigori Orlov, celui qui avait fait delle limpératrice de toutes les Russies. Orlov lui « donne des heures de plaisir et la laisse rompue » (Agnès Grossmann)
Cette relation dura jusque 1772, Catherine rompit quand elle apprit toutes les infidélités de son favori. De Grigori Orlov, Catherine II eut deux s naturels, nés en secret.
POTEMKINE, SON GRAND AMOUR
Dans une période de transition, Catherine eut pour amant Vassiltchikov, un jeune noble qui navait comme simple attrait que sa beauté. Limpératrice sen lassa vite.
La relation qui suivit fut celle avec Grigori Potemkine (1739-1791), un officier de la Garde.
Homme exubérant aimant les plaisirs de la table autant que ceux de la chair, il nen était pas moins un grand intellectuel, un général habile et un grand politique qui sut plaire à Catherine par ses folies, sa conversation, son humour et sa détermination.
Ce favori est sûrement celui qui reçut le plus de Catherine. Elle le couvrit dhonneurs, médailles, récompenses, terres, richesses et pouvoirs. Mais jamais Catherine neut à le regretter : fervent serviteur de la Russie, il fut un conseiller et un homme politique de premier plan. De la relation de Potemkine avec la souveraine, naquit en 1775 une fille. On a dit quils auraient été liés par un mariage secret.
Le tempérament de Potemkine est à la hauteur des besoins de la volcanique Catherine. Catherine a trouvé son homme, son mâle.
Pourtant, cest Potemkine lui-même qui séloigna du lit de Catherine. Leur passion charnelle ne dura quenviron deux années. Mais il resta toujours présent dans le cur de limpératrice en tant quami et dans sa politique en tant que conseiller.
LA CHAMBRE DES PLAISIRS
Potemkine va jouer auprès de Catherine II le rôle que la Pompadour jouait auprès de Louis XV (voir « Histoire des libertines (34) : la Pompadour », paru le 24 juillet 2019) : cest lui qui soccupa à lavenir de fournir des amants à limpératrice !
Potemkine établit des règles pour devenir le nouveau favori de l'impératrice : un médecin vérifiait la bonne santé du prétendant, une proche de Catherine examinait sa culture et validait ses performances sexuelles, telles la comtesse Praskovya Bruce ou Anna Protassova qui faisaient office d'« essayeuse » ou d'« éprouveuse ».
A Potemkine succédèrent donc de nombreux « étalons », des amants tous jeunes, beaux et performants. Ils furent appelés les « éphémères »:
Pierre Zavadoski de vingt ans son cadet,
lofficier Simon Zoritch, écarté par Ivan Nikolaïevitch Rimsky-Korsakov, âgé de vingt ans et doté dun corps dAdonis,
puis Lanskoï, qui meurt quatre ans après le début de leurs relations (dun abus daphrodisiaques pour satisfaire linsatiable Catherine).
Le dernier de cette longue liste fut Platon Zoubov qui sera à ses côtés à sa mort.
Lattitude de Catherine envers ses amants fut toujours la même : chaque homme recevait pendant et après ses « services » des honneurs, des propriétés, des milliers de serfs, des cadeaux.
Lattitude jugée scandaleuse de Catherine lui valut une réputation de débauchée.
Louis XV, à Versailles, avait eu le « Parc aux cerfs ». Au palais de Tsarskoïe Selo, Catherine avait fait aménager une « Chambre des Plaisirs », cabinet érotique secret, constitué de plusieurs pièces et objets érotiques, y compris ce quon appellerait aujourdhui des sex-toys.
DEUX TYPES DHYPERSEXUELLES DANS LHISTOIRE
Catherine II avait des besoins sexuels hors normes!
Elle est clairement une hypersexuelle, ses performances ne pouvant être comparées quavec celles de certaines des plus célèbres « salopes » dont jai parlées ou parlerai dans cette série : Cléopâtre, Messaline, Théodora, Isabeau de Bavière, Ninon de Lenclos, ou encore Pauline Bonaparte. Catherine II sera dailleurs qualifiée de « Messaline du Nord ».
En matière dextravagances sexuelles, la réputation de la Grande Catherine nest plus à faire. Elle-même reconnaît sa "soif insatiable de délices et de volupté". Cet appétit ne séteindra jamais. Bien au contraire, il se renforcera au fur et à mesure quelle prendra de lâge.
Pour autant, il serait injuste de cantonner cette grande femme dÉtat à sa nymphomanie, fût-elle hors norme.
« Despote éclairée », correspondante de Voltaire et de Diderot, elle a passé son long règne à défendre lorthodoxie et la philosophie des Lumières, tout en faisant disparaître ses opposants par la violence et en menant une stupéfiante vie de débauche. Catherine II, tout à la fois sainte et meurtrière, mécène éclairé et dévoreuse dhommes, réformatrice et tyrannique, grande rassembleuse de terres russes.
Fidèle à la ligne éditoriale de HdS, je nai parlé ici que de la vie sentimentale et sexuelle de la Grande Catherine.
Sil y a des aspects de son action politique que je rejette, en particulier le développement du servage, la brutalité de la répression exercée (par exemple lors de la révolte de Pougatchev), son absence de sentiments maternels envers son fils Paul, qui la détestait, lassassinat de laffreux Pierre III, dont elle fut au moins complice, je nen admire pas moins ce qui fait sa grandeur et qui la place parmi « les plus grands » tsars de Russie, digne successeur de Pierre le Grand.
Hypersexuelle, je ne peux quadmirer celle qui a assumé sans faiblir les envies de son corps.
Certes, elle était toute puissante et pouvait se permettre de telles frasques, à une époque où cela nétait pas accepté, y compris de la part de princesses ou de reines. La manière dont fut accablée Marie-Antoinette, pour des débauches réelles ou supposées, suffirait à le confirmer.
Catherine a osé assumer les besoins de sa libido, balayant les critiques et ne se souciant pas de sa réputation. En même temps, dotée dune grande culture, protectrice des arts et des lettres, elle était linterlocutrice des encyclopédistes. Cest cette combinaison de sensualité et dintelligence qui fait la modernité de Catherine et qui ma attiré dans sa personnalité.
Dans les personnages féminins dont jai raconté le parcours sentimental ou que jai lintention de le décrire dans cette rubrique, ma fascination ne va pas uniquement à celles qui se « contentées » dassumer leur hypersexualité : Messaline ou Isabeau de Bavière appartiennent à cette première catégorie. Cléopâtre, Théodora ou Catherine II font partie dune seconde, celle dune combinaison particulière entre hypersexualité et intelligence, entre plaisir et ambition, entre libido et culture.
A des moments dun parcours, on peut se laisser dominer uniquement par ses sens et je confesse lavoir fait, avec les dérapages graves que cela a entrainés. Lidéal doit être dassumer son corps et ses besoins, tout en restant digne de son éducation, de son intelligence et de sa culture.
Voilà pourquoi Catherine fait partie des personnages que jadmire, sans occulter ni ses crimes, ni ses fautes.
PRINCIPALES SOURCES SUR LE WEB
Outre le chapitre quAgnès Grossmann consacre à la Grande Catherine dans son ouvrage « Les salopes de lhistoire », voici les principaux liens que jai consultés, en plus de larticle de Wikipédia :
https://www.pointdevue.fr/histoire/catherine-ii-la-tsarine-aux-mille-amants_5284.html
https://www.histoire-pour-tous.fr/biographies/3800-catherine-ii-de-russie-1729-1796-biographie.html
http://www.lefigaro.fr/histoire/2017/09/21/26001-20170921ARTFIG00270-5-choses-a-savoir-sur-catherine-ii.php
http://www.racontemoilhistoire.com/2016/02/catherine-ii-de-russie/
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